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  • Lucas Chandellier | Media & Communications Officer

Boké, la cité fière et poussiéreuse, est plongée sous les rayons ardents d'un soleil implacable. Les rues sont désertes, abandonnées à la chaleur écrasante. C'est là que Mariam, 23 ans, attire les regards avec son sourire radieux et sa tenue orangée, apportant un souffle de fraîcheur dans ce désert de chaleur. Elle tient une boutique d'alimentation aménagée dans un petit conteneur bleu.

"Je m'appelle Mariam Manè, j'ai 23 ans et j'habite à Boké. Je suis l'aînée d'une famille de sept enfants, donc la vie à la maison n'était pas facile. Moi j’ai toujours fait du commerce, comme le faisait également ma mère."

Mariam dans sa boutique de Boké. ©Lucas Chandellier - OIM Guinée

Mariam n'a pas le feu sacré de l'exil, mais les échos de l'Europe et de ses merveilles se mêlent souvent aux murmures qu'elle échange avec ses camarades. Comme de nombreux jeunes Guinéens, ils peignent dans leurs pensées une vie de luxe, telle que les sitcoms diffusées par les satellites les montrent, un rêve de richesse et de grandeur qui les éloignent de la poussière de leur cité bâtie sur la bauxite.

"C'était un jour ordinaire en 2021, je discutais avec une amie sur Messenger quand elle m'a suggéré de voyager à l'étranger. Elle-même déjà en route, arrivée en Gambie, elle m'a décrit le trajet en détail, m’a expliqué que ce serait très simple et j'ai décidé de partir."

©Lucas Chandellier - OIM Guinée

Réussissant à convaincre sa mère, cette dernière accepte de financer le voyage. Pour ça elle dispose de quelques économies et brade le reste des marchandises qu’elle possède.

Une fois l’argent du voyage rassemblé, soit 300 dollars pour la nourriture, 250 dollars pour le transport et 1000 dollars pour le paiement du passeur, elle s’embarque dans un véhicule à destination de la Gambie via Bissau, Ziguinchor au Sénégal, et enfin Serrekunda où elle aurait dû retrouver son amie.

Pourtant, à son arrivée sur les terres gambiennes, Mariam s'aperçoit que son amie ne l'attend pas.

"Mes échanges avec mon amie s’effectuaient par messages. Elle m'a fait croire qu'elle se trouvait en Gambie, mais en réalité, elle était en Guinée. Je n'étais pas au courant. Quand je suis arrivée à destination, j'ai été surprise de ne pas la trouver. Plus tard, j'ai compris qu'elle faisait partie du réseau de passeurs et qu'elle m'avait trompée."

©Lucas Chandellier - OIM Guinée

L'éloignement de sa Guinée d'origine et la disparition de la plus grande partie de ses économies laissent Mariam désemparée. De temps à autre, sa famille lui envoie un peu d'argent pour la soutenir, mais comment poursuivre son périple sans le sou ? Les journées se succèdent, les nuits aussi, sans but, à errer dans les rues, jusqu'à ce que les forces de l'ordre viennent la cueillir.

"Une nuit, des agents de sécurité m’ont arrêtée et conduit dans la grande prison. Là j’ai eu la chance de rencontrer des Espagnoles d’une ONG qui nous ont aidé, moi comme d’autres à constituer des dossiers pour pouvoir sortir de prison et rentrer en Guinée. C’est par elles que j’ai eu connaissance de l’OIM et de l’aide au retour. Entre temps, nous avons été libérés avec d’autres migrants et logés à l’Hôtel Fifa. Après ça le vol retour a été programmé et nous avons été rapatriées à Conakry."

À son arrivée à l’aéroport de Conakry-Gbessia, Mariam est accueillie par les équipes de l'OIM et conduite au centre d'accueil et de transit de Conakry. "Là-bas, nous avons pu nous restaurer, nous avons été enregistrés et chacun a reçu un téléphone, une carte SIM et une somme d'argent."

Le programme d’Aide au Retour et à la Réintégration de l’OIM propose, en plus de l’organisation du voyage pour les migrants qui souhaitent retourner volontairement dans leur pays d’origine de manière sûre, durable et dans la dignité, un support psychosocial et une aide à la réintégration avec le financement d’une activité génératrices de revenus.

©Lucas Chandellier - OIM Guinée

"Avant de partir en aventure, je vendais de l’huile de palme au marché ici à Boké et j’avais ma propre boutique. C’est pourquoi quand j’ai bénéficié de l’accompagnement de l’OIM, j’ai souhaité réapprovisionner ma boutique en marchandises et relancer mon commerce."

Son projet Mariam l’a défini avec Amara, le conseillé du bureau de l’OIM à Boké. Elle s’est elle-même chargée d’identifier des fournisseurs, lister les marchandises à acheter et fournir les devis nécessaires. "Le processus de ma réintégration a pris au total 3 mois, entre mon arrivée, le financement et l’installation de ma boutique."

Mariam explique que si c’est sa mère qui avait financé son voyage et l’avait incitée à partir, c’est aussi elle qui finalement l’avait convaincue de rentrer. "Elle était certes très fâchée pour avoir vendu tous ses biens afin de payer mon voyage, mais tellement soulagée de me retrouver saine et sauve."

Désormais, Mariam a pour objectif de développer et diversifier son commerce et elle assure ne plus vouloir repartir.

SDG 1 - PAS DE PAUVRETÉ
SDG 8 - TRAVAIL DÉCENT ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE
SDG 5 - ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES
SDG 10 - INÉGALITÉS RÉDUITES