Histoires
By:
  • Sanaba Sékou CONDÉ | Assistant projet Réintégration
  • Lucas CHANDELLIER | Chargé des Médias et de la Communication
Lamine conçoit et fabrique ses meubles de A à Z, s'inspirant de son imagination ou d’images trouvées sur le web. ©Lucas Chandellier - OIM Guinée 2024

Kankan, Guinée – Kaba Lamine, aujourd'hui installé dans le quartier de Météo à Kankan, est revenu de son périple migratoire avec bien plus que des souvenirs : il est revenu avec des compétences, une détermination renforcée et une vision pour l’avenir. Son histoire de migration, marquée par des sacrifices et des épreuves, l’a ramené à ses racines avec un projet concret et un atelier de tapisserie qui ne cesse de grandir.

Originaire de Kankan, Lamine travaillait en tant qu’apprenti tapissier auprès de son père. « Un jour, j’ai décidé d’aller en Europe, même sans argent pour le voyage », raconte-t-il. En 2021, il quitte son pays et entame une route incertaine, espérant une vie meilleure en Europe. De Kankan à Bamako, puis à Tombouctou, il atteint finalement l’Algérie. Dans la ville d’Oran, il passe quatre mois sur des chantiers de construction, mais les conditions sont difficiles. « J’étais mal payé, et j’ai décidé de tenter ma chance au Maroc », explique-t-il. Il utilise ses économies pour payer un guide qui l’aide à franchir la frontière.

Un apprentissage collectif : Entouré de ses apprentis, Lamine partage son expertise en tapisserie dans son atelier. ©Lucas Chandellier - OIM Guinée 2024

Arrivé à Casablanca, il retrouve la tapisserie, son domaine de prédilection, et décroche un emploi dans une entreprise chinoise, puis dans une entreprise marocaine. « J’ai appris des techniques nouvelles et économisé de l’argent en espérant entrer en Espagne », dit-il. Cependant, chaque tentative pour franchir la frontière espagnole se solde par un échec et un retour forcé au Maroc.

« À chaque fois que je m’approchais de la frontière, la police m’arrêtait et me renvoyait », se rappelle Lamine. Après deux années de tentatives infructueuses, il se rend en Tunisie pour tenter à nouveau de traverser la mer. Mais la réalité brutale du danger le rattrape lorsqu'il est témoin de plusieurs tragédies en mer. « J’ai vu des amis se noyer, et cela m’a fait réaliser que je pouvais aussi perdre la vie. C’est là que j’ai compris que, avec mon métier, je pouvais vivre dignement dans mon propre pays », confie-t-il.

Il prend alors une décision qui changera le cours de sa vie, retourner en Guinée. Il contacte l’OIM à Sfax pour solliciter une assistance au retour volontaire. En octobre 2023, Lamine est enfin de retour chez lui, à Kankan. Après quelques mois, il reçoit de l’OIM une assistance à la réintégration sous forme de matériel de tapisserie. « Grâce à ce soutien, j’ai pu démarrer mon propre atelier », raconte-t-il avec gratitude.

Lamine discute de son parcours et de ses projets futurs avec le Chef du Sous-bureau de l’OIM à Kankan. ©Lucas Chandellier - OIM Guinée 2024

Avec des produits de qualité, Lamine attire rapidement une clientèle locale. « Certains clients de Conakry, en visite à Kankan, apprécient mes produits et passent commande », partage-t-il avec fierté. Son atelier ne tarde pas à prospérer, et aujourd’hui, il emploie huit apprentis. « Je parviens à subvenir à mes besoins et à ceux de ma famille », ajoute-t-il.

Son succès ne s’arrête pas là. Lamine nourrit de grandes ambitions : développer son atelier et ouvrir une galerie. « Pour cela, il me faudrait un appui technique et financier supplémentaire », confie-t-il, les yeux rivés vers l’avenir. Ce qui le motive, c’est l’envie de construire quelque chose de durable et de contribuer au développement de sa communauté.

S’adressant aux jeunes qui, comme lui, envisagent de quitter leur pays sans préparation, Lamine leur donne ce conseil, « Si vous avez un talent, concentrez-vous là-dessus. Aller à l’étranger sans compétence, c’est souffrir ». Ayant vu des amis perdre la vie en tentant de traverser la mer, il sait de quoi il parle. Aujourd’hui, il est convaincu qu’on peut réussir, même en restant dans son pays.

Lamine prêt à transformer le bois en créations originales. ©Lucas Chandellier - OIM Guinée 2024

Grâce au soutien de l’OIM et au Programme de Protection, de Retour et de Réintégration des Migrants en Afrique subsaharienne, Lamine a pu retrouver une stabilité économique et sociale. Son atelier tourne bien, et il peut vivre dignement grâce à son savoir-faire et à son travail acharné. « Merci à l’OIM pour le soutien depuis mon passage en transit jusqu’à mon retour en Guinée », conclut-il, reconnaissant.

Lancé en 2022, le Programme de Protection, de Retour et de Réintégration des Migrants en Afrique subsaharienne (MPRR-SSA), financé par l'Union européenne, aide les migrants vulnérables en transit et facilite leur réintégration durable dans leurs pays d'origine. Ce programme succède à l'Initiative Conjointe UE-OIM et propose un accompagnement complet, offrant une aide au retour volontaire et un soutien à la réinsertion sociale, économique et psychosociale. Il vise également à sensibiliser les migrants potentiels pour qu'ils puissent prendre des décisions éclairées concernant leurs projets migratoires.

SDG 10 - INÉGALITÉS RÉDUITES
SDG 8 - TRAVAIL DÉCENT ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE